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Enfance

Temps de lecture : 10 minutes

Sommaire

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Mis à jour le 18/10/2023

À cet âge, de 7 à 12 ans, les enfants vivent souvent depuis plusieurs années déjà avec leur(s) frère(s) ou sœur(s) polyhandicapé(es). Mais il se peut aussi que la naissance de l’enfant polyhandicapé ou la découverte du polyhandicap de leur frère ou sœur advienne quand ils se trouvent dans cette tranche d’âge. Les effets de l’annonce sur la fratrie sont alors globalement similaires à ceux qui ont été décrits dans la page consacrée à la petite enfance. De même, les problématiques qui peuvent se jouer pendant la petite enfance (jalousie, hostilité, culpabilité, sentiment d’impuissance…) sont encore bien souvent présentes à cet âge, même si elles n’ont parfois plus la même intensité ou sont en passe d’être résolues. Inversement, d’autres problématiques peuvent se préciser dans cette tranche d’âge, comme la peur du rejet ou la parentalisation.

Problématiques possibles

Culpabilité

À cet âge, les enfants connaissent généralement les spécificités de leur frère ou sœur polyhandicapé(e), ils y sont habitués. Ils peuvent relativement bien les accepter ou en souffrir, d’autant plus qu’en grandissant l’écart se creuse souvent : ils peuvent se sentir coupables d’évoluer, de grandir, de progresser, alors que les progrès de leur frère ou sœur polyhandicapé(e) peuvent être plus lents, son état s’aggraver ou de nouvelles pathologies être détectées. Une cadette exprime le sentiment « de n’avoir rien fait pour mériter cela, c’est parce que ma sœur était handicapée que moi, je paraissais si bien »1. Ce sentiment de culpabilité peut entraîner des inhibitions, scolaires ou sociales, des conduites agressives ou autoagressives, qui sont pour l’enfant autant de façons d’alerter sur ce qu’il vit et de demander de l’aide.

Cette culpabilité peut aussi se ressentir, s’exprimer quand les frères ou sœurs essaient de trouver des explications au polyhandicap. Face à la maladie, au handicap, qu’on ne contrôle pas, on se sent impuissant. Comprendre permet de retrouver une forme de maîtrise sur le cours des choses. Or les enfants ont du mal à objectiver les choses, ils ont naturellement tendance à les ramener à eux. Ils peuvent alors croire que de simples « mauvaises » pensées qu’ils ont eues sont à l’origine du polyhandicap de leur frère ou sœur, de son aggravation, d’une crise… Et chercher ensuite à contrôler, voire taire leurs pensées, par crainte qu’elles n’engendrent de nouveaux malheurs. En cela, les adultes peuvent les aider à faire la différence entre ce qui relève de la réalité (la non-maîtrise que les humains ont sur la survenue et l’évolution de la maladie) et ce qui relève du fantasme (penser du mal de quelqu’un est fondamentalement différent de réellement faire du mal à quelqu’un).

Jalousie et ambivalence des sentiments

La culpabilité des frères et sœurs peut aussi résulter des mouvements de jalousie, voire d’hostilité et d’agressivité qu’ils sont toujours susceptibles d’éprouver à cet âge, face à leur frère ou sœur polyhandicapé(e) qui réclame beaucoup de soins et d’attention. Ils peuvent se sentir moins importants et taire leurs sentiments par prévenance à l’égard de leurs parents ou de l’enfant polyhandicapé, pour ne pas rajouter à leurs soucis et leurs difficultés.

Il est important de rester attentifs aux frères et sœurs, de les inviter à parler de tous ces sentiments, surtout en cas de « symptômes » : difficultés scolaires, hyperactivité, inhibitions, enfant « trop » sage… Car, si ces sentiments sont refoulés, ils continueront d’aggraver ces symptômes et d’« empoisonner la vie » comme certains le disent. Il faut trouver un juste milieu entre l’expression «  normale » d’une certaine hostilité, (développement normal du lien fraternel) et l’expression d’une agressivité plus grave, dans laquelle il convient alors d’intervenir et d’agir, tout comme dans le cas des autres symptômes évoqués ci-dessus.

Jeunes aidants : garder sa place d’enfant

Pour diverses raisons (apaiser un sentiment de culpabilité, faire plaisir à leurs parents, mieux comprendre leur frère ou sœur…), les enfants peuvent endosser un rôle de jeunes aidants, voire de parent auxiliaire. Ils peuvent aussi se conformer en cela à ce qu’ils estiment être l’attente de leurs parents, parfois réelle, consciente ou inconsciente, surtout envers les enfants les plus grands et vus comme les plus mûrs. Apporter leur aide peut leur permettre de se sentir valorisé et de développer de nombreuses qualités, néanmoins l’aide apportée doit être adaptée à leur niveau de responsabilité. Ainsi, ils conservent leur place d’enfant. Car aider peut aussi éveiller des sentiments négatifs : agacement, crainte de ne pas être à la hauteur, sentiment d’échec et d’impuissance, culpabilité…

« Avec ma sœur, on se chamaille parfois parce qu’aucune de nous ne veut s’occuper de la poche nutritive d’Elias. Il a une gastrostomie. Au moment de ses repas, il faut brancher la machine. Je sais purger l’air, mais pas changer la poche et j’ai peur de faire des bêtises. »2

Là encore, le dialogue reste la solution primordiale pour démêler ces sentiments. Il peut se faire au sein de la famille ou trouver place dans les groupes de paroles organisés à destination des fratries : « Nous savons qu’ils apportent une aide importante à la maison. Notre rôle est de leur offrir un moment de répit, un temps de parole pendant lequel ils peuvent “déposer” tout ce qu’ils veulent, y compris leurs pensées négatives »3, explique Stéphanie, fondatrice et animatrice des groupes de paroles fratrie organisés par le CRMH à Paris.

Outre le sentiment de devoir aider, les enfants peuvent aussi porter celui de devoir réparer :

« Réparer, ce peut être se comporter en enfant « hypernormal », ou « surnormal », image lisse d’enfant « sage », ou d’enfant brillant, en tout cas conforme aux attentes perçues, exprimées ou non, des parents. Cette tentative de réparation, difficile voire impossible, conduit souvent le réparateur au sentiment d’impuissance. »4

Peur du rejet

À partir de 7 ans, les enfants prennent davantage conscience du monde qui les entoure et donc de la situation dans laquelle se trouve leur frère ou sœur polyhandicapé(e). Un sentiment de honte peut alors apparaître. Il résulte du regard porté par les autres, adultes comme enfants, questions, remarques… Ces réactions sont souvent douloureuses pour les enfants. Par un mouvement d’identification, ce qui arrive à leur frère ou sœur polyhandicapé(e) (curiosité déplacée, moqueries, rejet), leur arrive aussi à eux-mêmes ; ils souffrent pour elle ou lui, pour eux-mêmes aussi s’ils se sentent englobés dans le même regard dépréciateur. Ils peuvent alors être tentés de prendre de la distance par rapport à ce frère ou cette sœur polyhandicapé(e), pour fuir la douleur de ce sentiment de honte, pour se protéger et marquer leur singularité propre. De nombreux enfants témoignent ainsi ne pas oser parler de leur frère ou sœur polyhandicapé(e) par crainte d’être rejeté des autres enfants, ce qui peut les conduire à se replier sur eux-mêmes ou à limiter leurs interactions sociales. Une petite fille explique :

« J’aime pas trop parler d’Armand au collège. Une de mes anciennes amies s’est moquée de lui. Maintenant, je ne lui parle plus. Je reste avec ma garde rapprochée. Entre nous, on se préoccupe les uns des autres. »5

Mais dans ce cas, les enfants peuvent alors se sentir aussi coupables de cacher l’existence de leur frère ou sœur, souffrir d’avoir « rompu la solidarité familiale et fraternelle ». Ici encore, il est alors important d’aider les enfants à exprimer leurs sentiments, surtout ces sentiments de honte et de culpabilité justement difficiles à évoquer. Si les enfants disposent de suffisamment de ressources sur le polyhandicap, ils pourront aussi, à l’école ou auprès de leurs camarades, parvenir à en parler plus facilement, à expliquer la différence et moins craindre d’être rejetés.

Pistes à suivre

Dialoguer

Comme lors de la petite enfance, la meilleure façon d’aider les enfants à grandir, à ne pas s’enfermer dans toutes ces problématiques et à les dépasser au mieux, c’est l’attention, l’écoute et le dialogue. Au sein de la famille d’abord, avec l’entourage. Il est important d’y inviter, de pouvoir s’y rendre disponible, même si cela n’est pas toujours aisé : communiquer, partager est libérateur et bénéfique pour tous, enfants comme adultes. Pour engager le dialogue avec les frères et sœurs et les aider à dire leurs sentiments, il est possible de s’appuyer sur des ressources existantes, des livres pour enfants, des films d’animation qui évoquent justement le vécu de frères et sœurs d’enfant handicapé ou polyhandicapé. Une bibliographie est à télécharger depuis l’espace dédié en bas de la page.

Si les difficultés s’installent, si les frères et sœurs manifestent des « symptômes » tels que ceux qu’on a évoqués plus haut (troubles des apprentissages, dépression, hyperactivité…), il peut être utile de se tourner vers les professionnels qui pourront accueillir la parole de l’enfant et conseiller les parents. Il est possible de trouver de l’aide et du soutien à l’école, auprès des enseignants, du directeur, des médecins scolaires. Il est possible de s’adresser aux établissements où le frère ou la sœur polyhandicapé(e) est suivi(e), de se tourner vers des psychologues libéraux aussi. Les mairies, les centres communaux d’action sociale (CCAS) peuvent également vous fournir des indications précieuses sur les structures et les dispositifs existants dans votre localité. Nous vous invitons également à consulter la thématique La collaboration aidants-professionnels de notre site.

Plusieurs structures (établissements, associations…) proposent par ailleurs des groupes de parole pour les fratries. Ces dispositifs dont l’objectif est d’aider les fratries à penser et vivre avec le handicap offrent un cadre précieux : entre pairs, auprès personnes extérieures et bienveillantes, la parole peut se libérer plus facilement. Savoir que d’autres enfants connaissent des expériences, des sentiments similaires aux leurs peut les rassurer, leur permettre de rompre une certaine forme de solitude. Ils peuvent également découvrir les solutions que les autres mettent en place pour surmonter leurs difficultés, pour ensuite se les approprier. Et eux aussi, apporter aux autres enfants. Vous pouvez consulter à ce sujet l’article de Béatrice Lorant « Se préoccuper les uns des autres. Rencontres fratrie du CRMH » paru dans le n° 642 de la revue L’école des parents.

Accorder du temps

Il est aussi important de s’accorder du temps pour soi avec les autres enfants de la fratrie. Ces moments peuvent être individuels ou collectifs, en fonction de vos envies et celles de vos enfants. Un temps qui soit « de qualité » où le parent est disponible, avec l’enfant : un jeu, une promenade, accompagner l’enfant à son entraînement de foot ou à sa leçon de piano… Ce temps passé ensemble est une marque d’attention, il contribue à ce que l’enfant se sente aimé, rassuré, valorisé.

Proposer des activités adaptées et collectives

Proposer des activités adaptées que les enfants de la fratrie pourront partager, tous ensemble ou selon les âges, avec leur frère ou sœur polyhandicapé(e), peut aussi aider les enfants à tisser ou renforcer leurs liens entre eux, à mieux inclure l’enfant polyhandicapé. Dans ces moments partagés en famille, le rire, l’humour surgissent plus facilement et il est bon de savoir l’accueillir, car il est une façon de donner forme aux émotions tout en les mettant à distance. Vous trouverez des idées d’activités dans la thématique Soutenir les compétences cognitives et des idées de sortie dans la thématique Loisirs et vie sociale de notre site.

Pour aller plus loin