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Adolescence

Temps de lecture : 6 minutes

Sommaire

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Mis à jour le 18/10/2023

L’adolescence, avec son lot de bouleversements nécessaires (puberté, découverte de la sexualité…) est une période charnière dans la construction des individus. La relation aux parents et au reste de la famille est interrogée, parfois remise en question, dans un travail de séparation nécessaire. Les liens amicaux évoluent, les premières relations amoureuses se tissent, autant de nouvelles rencontres qui viennent élargir les horizons. Qu’en est-il quand l’un des membres de la fratrie est polyhandicapé ?

Bouleversements

Les parents sont le premier objet d’amour de l’enfant, un amour idéalisé. Et l’enfant porte en lui les désirs de ses parents le concernant. À l’adolescence, selon leur propre évolution, physique, intellectuelle, psychique et à la faveur des nouvelles rencontres qu’ils font, les jeunes font l’expérience d’une réalité qui ne correspond plus aux désirs de leurs parents. Ils sont ainsi amenés à déconstruire la figure idéale de ces derniers et à trouver leur propre voie. Ce processus qui implique forcément une part de déception peut être particulièrement difficile à vivre, en raison des affects très forts qui sont mis en jeu. Des conflits, des souffrances, des émotions tues ou refoulées peuvent alors ressurgir, si les défenses mises en place pour les contenir pendant l’enfance tombent à cette occasion.

Pour les frères et sœurs d’enfant polyhandicapé, ce peut être tous les sentiments complexes et parfois contradictoires qu’ils ont pu justement éprouver du fait du handicap : jalousie, hostilité, sentiment d’injustice, d’abandon, d’exclusion, de culpabilité, de honte, d’impuissance, d’échec… Il peut devenir plus facile d’en parler et cela se révèle bénéfique, pour l’adolescent comme pour sa famille : certains non-dits et interdits peuvent se lever. C’est pourquoi, membres de la famille ou personnes extérieures, il compte d’être à l’écoute des frères et sœurs de personnes polyhandicapées, à cette période comme aux autres étapes de leur vie. Ne pas exprimer ses sentiments, continuer de les refouler, cela constitue forcément une forme d’entrave, qui peut conduire la personne à s’inhiber, s’empêcher de vivre pleinement et librement, voire la conduire à la dépression ou à des conduites dangereuses. Il se peut aussi, que l’éloignement (réel ou manifesté) soit la seule solution que les adolescents ou les jeunes adultes parviennent à trouver pour tenir à distance tous ces sentiments et parvenir à vivre leur vie.

Évolution des liens fraternels

Il se peut aussi que l’adolescent inhibe son développement par loyauté envers son frère ou sa sœur polyhandicapé(e). En effet, la personne polyhandicapée arrive souvent elle-même à l’adolescence dans la même période. Elle peut alors prendre davantage conscience de ses propres limites ; la comparaison avec ses frères et sœurs qui évoluent peut accentuer douloureusement cette prise de conscience : les voir sortir, s’éloigner, grandir, rencontrer de nouvelles personnes, nouer de nouvelles amitiés peut la ramener douloureusement à ce qui lui est difficile, voire impossible. Les frères et sœurs peuvent être sensibles à cette souffrance et inconsciemment choisir de se limiter pour l’épargner, elle ou l’ensemble de la famille.

L’envie, la frustration peuvent donner lieu à des mouvements réciproques d’agressivité qui, s’ils sont exprimés, ne sont pas toujours néfastes ; ces mouvements peuvent au contraire ouvrir à une meilleure compréhension mutuelle, déboucher ensuite sur des moments de complicité qui contribuent à renforcer les liens fraternels en permettant parfois de passer d’une relation « fraternelle-parentale » à une relation plus horizontale.
Se pose en tout cas pour les frères et sœurs à cette période la question de leurs liens. À l’adolescence, il leur faut trouver d’autres façons d’être ensemble que celles de l’enfance, de ses corps-à-corps, de ses jeux, de ses rires, de ses regards échangés à hauteur d’enfants. Dans Liens fraternels et handicap, Régine Scelles cite l’exemple d’Axelle, sœur d’une jeune fille autiste qui est justement parvenue, après un moment de tension avec sa cadette, à comprendre l’importance que le toucher avait pour elle. Elle a alors pu développer avec elle une nouvelle manière de communiquer très centrée sur les gestes. Cela a profondément modifié sa façon de comprendre les autres et de percevoir les choses en général, constituant pour elle une véritable richesse.

Vivant plus ou moins à la même période les bouleversements relatifs à l’adolescence, les frères et sœurs sont parfois les plus à même de comprendre les évolutions qui se jouent aussi chez leur frère ou sœur polyhandicapé(e) ; ils peuvent faire preuve d’attention, offrir leur soutien, l’aider à exprimer ses émotions. Ils peuvent aussi choisir de l’associer, temporairement au moins, à leur propre évolution en l’incluant à certaines de leurs activités : sorties, soirées avec les amis, virées shopping… Ils jouent alors pour elle ou lui un rôle de « passeur vers le social » en permettant un lien avec des personnes extérieures à la famille. « Dans tous les cas, la normalité des frères et sœurs confronte tous les membres de la famille à la nécessité de prendre en compte les renoncements et les deuils que la personne handicapée a besoin d’opérer pour construire un devenir qui tienne compte de ses potentialités et aussi de ses déficiences. »1

Se construire tout en se situant par rapport au frère / à la sœur polyhandicapé(e)

La période de l’adolescence ouvre donc pour les frères et sœurs sur une quête d’équilibre entre une prise en compte de leur frère ou sœur polyhandicapé(e), de ses besoins, de ses envies, et un juste besoin d’indépendance. Il s’agit pour eux de savoir quelle place lui donner dans leur vie. Pendant l’enfance, la vie commune avec ce frère ou cette sœur était donnée, un fait dans l’ordre des choses. Désormais, cette vie commune relève de plus en plus d’un choix ; la question peut commencer à se poser, être présente à l’arrière-plan, du devenir de ce frère ou de cette sœur quand les parents ne pourront plus s’en occuper. C’est pourquoi la prise en compte de la personne handicapée, des évolutions qui se jouent aussi en elle à cette période de l’adolescence et la prise en compte de ses désirs dans son accompagnement comptent beaucoup. Pour qu’elle puisse se construire, elle aussi, et accéder à la plus grande autonomie possible. C’est important pour tous, la personne polyhandicapée en premier lieu, les frères et sœurs aussi. C’est aussi une façon de les aider à s’autoriser à mener leur propre vie, aux côtés ou non de leur frère ou sœur polyhandicapé(e), selon les modes de relation qui leur conviendront le mieux.

Pistes à suivre

Les possibilités d’accompagnement des frères et sœurs sont sensiblement les mêmes que lorsqu’ils étaient plus jeunes, elles sont seulement à adapter à leur âge : dialogue, professionnels issus du milieu ordinaires (professeurs, éducateurs…) ou spécialisés (établissement d’accueil de la personne polyhandicapée, psychologues libéraux…) groupes de paroles, temps dédiés, activités en famille. Une bibliographie est à télécharger en bas de la page.

Nous vous invitons également à consulter les thématiques La collaboration aidants-professionnels et Loisirs et vie sociale de notre site.

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