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L’espace et le temps
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Nous existons dans l’espace et dans le temps. Au cours de notre développement, nous en prenons progressivement conscience, nous apprenons à nous y situer et cela nous aide à nous structurer. Les personnes polyhandicapées en ont une perception souvent différente. Comprendre la façon dont votre proche perçoit l’espace et le temps permet de l’aider à mieux appréhender ces deux dimensions pour mieux se construire et se développer. Vous trouverez ici des indications sur ce qui peut être pris en compte et mis en place pour les accompagner dans cette aventure spatio-temporelle.
Perception de l’espace et du temps
L’espace
La motricité et les perceptions sensorielles jouent un grand rôle dans la prise de conscience de l’espace. Ces expériences permettent à l’enfant de prendre conscience des limites de son propre corps, et ainsi de lui-même. Elles lui permettent aussi de prendre conscience du monde qui l’entoure : il se déplace, s’oriente progressivement dans l’espace, manipule, teste les différents objets autour de lui… Sans quoi l’espace, les déplacements dans l’espace, les siens et ceux des autres peuvent être vécus comme déstabilisants et angoissants, difficiles, voire douloureux. C’est pourquoi il est important d’essayer de comprendre du mieux possible la façon dont votre proche perçoit et éprouve l’espace, pour l’aider à ce que cette expérience soit positive, source de plaisir et de découvertes épanouissantes.
Le temps
C’est à travers les soins qu’il reçoit au début de sa vie que l’enfant prend progressivement conscience du temps : leur répétition rythme le cours de la journée et des jours, lui donnant des repères et des souvenirs qui vont lui permettre de se repérer dans le temps, d’anticiper, de savoir par exemple que sa mère va revenir… Tout cela est rassurant et sécurisant et aide l’enfant à éprouver le sentiment de sa propre continuité et de lui-même. La personne polyhandicapée peut avoir du mal à garder en mémoire les expériences vécues et, plus tard, à se représenter les notions de durée, de passé, présent, avenir ; il lui est alors compliqué de se repérer dans le temps, d’anticiper les différents moments de la journée, de s’en réjouir… La journée peut alors lui apparaître comme une succession d’instants séparés, sans continuité. Ce morcellement est angoissant et la place dans une position d’attente, dont il lui est parfois difficile de se saisir pour en faire quelque chose qui lui soit propre, rêver, désirer… Il se peut aussi que ses rythmes biologiques, ses cycles sommeil / veille, son appétit, soient perturbés en raison d’un mal-être physique ou psychique, pour des raisons hormonales… Cela peut compliquer sa participation au temps de la vie sociale, repas, veillées… qui sont des occasions de partage. Il faut aussi prendre en compte le fait que son rythme n’est pas le même que le nôtre : répondre aux stimulations des autres et de l’environnement, participer aux activités, lui demandent beaucoup d’énergie et plus de temps. Il y a enfin la question de l’avancée en âge, avec son lot de bouleversements que nous connaissons tous, l’adolescence, la puberté… mais qui peuvent être particulièrement difficiles à vivre pour la personne polyhandicapée, surtout si on ne l’aide pas à comprendre ce qui joue en elle. Vous pouvez à ce sujet vous reporter à la page Les étapes de la vie : la dimension psycho-affective.
Se situer dans l’espace et le temps
Aménager l’espace et le temps de la personne
Il est possible d’aider son proche à mieux se repérer dans le temps et l’espace et à se sentir ainsi en confiance. Cela nécessite d’abord, comme toujours, d’être attentif à ce qu’il exprime, afin d’aménager les choses au mieux pour lui. Lorsqu’il existe des troubles sensoriels, la perception de ce qui est derrière est-elle angoissante ? La personne détourne-t-elle la tête pour exprimer un refus ou au contraire pour utiliser la rétine périphérique, et donc mieux percevoir l’espace qui l’entoure ? A-t-elle la sensation que l’espace se déplace autour d’elle si on la déplace trop brusquement ? Faut-il mieux le faire doucement, par palier ? Où aime-t-elle se placer dans les différents lieux de vie ? À côté de la porte, ou au contraire loin de celle-ci, adossée au mur pour obtenir une protection dorsale et mieux contrôler l’environnement ? Trop brusques, les entrées peuvent être vécues comme des intrusions, surtout quand la personne polyhandicapée n’a pas une conscience bien claire de ses propres limites corporelles. Si elle ne se sent pas exposée, au centre d’une pièce ou dans un lieu de passage, l’espace peut alors jouer un rôle protecteur : « Dans les moments où le corps est particulièrement vulnérable, l’espace doit pouvoir jouer ce rôle protecteur que nous-mêmes attribuons à nos maisons lorsque nous dormons. »1 Fermer l’espace de la salle de bain, placer une sonnette à l’entrée des lieux peut aider la personne à se sentir préservée et à se préparer.
Des aménagements sont également possibles en ce qui concerne le rythme de votre proche : si son sommeil est perturbé, il est possible de le laisser dormir plus longtemps, de lui accorder des temps de repos en journée dès qu’il manifeste de la fatigue, ou simplement des temps calmes, à lui, au cours desquels il pourra prendre le temps de se recentrer, de rêver, de désirer. Lors des temps de soin et de partage, il est important d’attendre que la personne s’approprie les choses, qu’elle réagisse, qu’elle s’exprime ; cela peut parfois nous paraître long mais cet « accordage » est nécessaire pour pouvoir entrer vraiment en relation avec elle. Il convient enfin de prendre en considération l’âge de la personne, de lui proposer des activités adaptées, ateliers, musiques, programmes télévisés… Cela passe aussi par le fait d’évoquer avec elle ses évolutions et son avenir ; même si cette projection est difficile, pour elle comme pour ses proches, cela l’aidera à mieux appréhender les différentes réalités : changement d’établissement, puberté, départ des frères et sœurs devenus adultes…
Instaurer des rituels
Nous avons tous nos petites habitudes qui nous aident à appréhender le passage d’un moment, d’un espace, d’un état à l’autre : un café le matin pour partir du bon pied, une histoire le soir pour s’endormir… En d’autres termes, nos rituels. On parle de rituel lorsque les choses se reproduisent chaque fois à l’identique, l’ordre des activités dans la journée ou dans la semaine, le déroulé d’une activité elle-même, les lieux dans lesquels les activités prennent place ainsi que les personnes qui les encadrent. Les rituels comptent d’autant plus pour la personne polyhandicapée chez qui ces changements peuvent parfois générer des crises importantes. La personne sait que le changement va se produire mais elle n’arrive pas à se projeter suffisamment pour se sentir rassurée. Quand une activité est ritualisée, qu’elle commence ou se termine toujours de la même façon, par une petite musique par exemple, la personne dispose de davantage de repères ; elle peut mieux anticiper les choses et donc se sentir davantage en sécurité et en confiance. En effet, la répétition à l’identique laisse des traces dans la mémoire, et aide la personne à organiser progressivement les choses dans son esprit. Cela lui donne un cadre contenant, rassurant ; elle peut alors plus facilement prendre part aux activités, entrer en relation avec les autres. Les rituels fournissent une référence commune, il est possible d’échanger sur tout ce qui est mis en place : « Tu reconnaîs cette musique ? Tu l’aimes ? » Ils facilitent la socialisation : apprendre à attendre son tour, à partager…
Il existe de nombreuses façons de ritualiser les activités. Elles sont toujours à construire avec la personne, en fonction de ses besoins, de ses goûts, de ses intérêts. Il n’est pas toujours facile de bien les saisir, c’est pourquoi il est important de rester attentif ; le rituel doit rester vivant, être questionné, évoluer avec la personne, sans quoi il risque de devenir une routine figée, où l’autre n’est plus pris en compte, voire une routine inconfortable ou inadaptée. Certaines personnes peuvent créer elles-mêmes leur rituel. On peut citer l’exemple d’un jeune homme qui possède une petite boîte donnée par ses parents ; il place d’abord cette boîte dans la pièce dans laquelle il doit entrer, avant de revenir se placer lui-même dans la salle, à côté de la boîte. Il est possible d’utiliser différents outils pour ritualiser les activités ; on peut s’aider de pictogrammes, de calendriers, du cahier de vie de la personne, de gestes, de paroles, de chansons… Dire le rituel, quel que soit le langage utilisé pour le faire, est très important ; en associant les choses et la façon de les nommer, on aide à la fois la personne à mieux se représenter les choses et à développer son langage.
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