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Pourquoi prendre soin de soi ?

Temps de lecture : 9 minutes

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Mis à jour le 18/10/2023

L’expression prendre soin de soi puise ses origines dans la langue anglaise : « take care ». Le mot « care » est lui-même issu du latin « carus » qui signifie entre autres « valeur ». La personne dont on prend soin a de la valeur et celui qui en prend soin aussi : d’où l’importance de prendre soin aussi de ceux qui prennent soin.

Risques d’épuisement physique et psychologique

On est parent, frère ou sœur, grands-parents ; on aide notre proche parce qu’on l’aime, parce qu’il est notre enfant, notre frère ou sœur, notre petit-fils… parce qu’il fait partie de notre famille, parce qu’il a besoin de nous, parce qu’on ne peut pas ne pas être là pour lui, parce que si ce n’est pas nous, qui ? Notre vie ressemble peut-être à celle que décrit Charlotte Jourdan dans un post LinkedIn :

« Courir, soutenir, soigner, gérer, organiser, stimuler, protéger, coordonner, avancer, sourire, réfléchir en étant spectateur du combat de son propre enfant. Ne pas se plaindre, car nous, on ne subit pas les soins, nous ne sommes pas malades. Ne pas réaliser qu’on est aidant, car on fait juste notre job de parent. »

Charlotte Jourdan, aidante

L’amour, le soutien, l’aide que l’on apporte à son proche réserve son lot de joies : on se réjouit lorsqu’il se sent bien, qu’il progresse, qu’on le voit prendre plaisir à une activité, sourire aux autres, communiquer avec eux. Le quotidien peut aussi être très éprouvant, une maman explique vivre chaque jour comme une exposition à des situations extrêmes auxquelles il faut trouver une réponse, jour après jour, pendant des années.1 Elle a le sentiment de devoir être disponible tout le temps, quel que soit son état de santé ou d’épuisement, de « ne jamais pouvoir dire non ». C’est pourquoi il importe aussi de se ménager. Si on ne le fait pas, on s’expose à un épuisement physique et psychologique.

On parle parfois de « syndrome de l’aidant » : stress (chronique), troubles du sommeil, du système immunitaire, sentiment de ne plus avoir de temps à se consacrer, sentiment d’impuissance… La revue Contraste consacre un très riche numéro 56 à cette question de la surcharge, au besoin de répit et aux possibilités de guidance.2

Une enquête Ipsos menée auprès de 2 306 aidants en 2020 en France a montré que « près d’un aidant sur deux fait le constat d’un impact négatif sur sa vie sociale ou familiale (45 %) et sur sa santé (53 %). Ces difficultés à gérer le rôle d’aidants provoquent un état d’épuisement réel, de surmenage plus de six fois sur dix (62 %) et trois quarts des participants ressentent un besoin de répit pour souffler (74 %) ».

Plusieurs parents reconnaissent en effet ne plus sortir ou avoir moins de contact avec le monde extérieur. Certains se sentent incompris de leur entourage, non soutenus ; ils rapportent des tensions relationnelles avec leur famille, leurs amis, leurs collègues. Beaucoup évoquent un sentiment de solitude et d’isolement. D’autres se sentent réduits à leur rôle d’aidant ; ils ont le sentiment d’être devenu l’aide-soignant, l’infirmier, le kiné de leur proche, au détriment du lien qui les unit à lui.

Les difficultés et les besoins rencontrés par les aidants sont également analysés dans cette étude réalisée par Les Bobos à la ferme : Étude nationale parents / aidants. Mieux connaître leurs profils, leurs difficultés et leurs besoins.

Son état de santé

Les associations et les dispositifs de soutien aux proches aidants invitent à faire régulièrement le point sur l’état dans lequel ils se sentent, sur leurs envies et leurs besoins : comment est mon quotidien ? Est-ce que je parle ouvertement de ma situation ? Est-ce que je dors bien ? Est-ce que je sors voir mes amis, pour des activités de loisirs, de temps en temps ? Est-ce que je pratique une activité physique ? Est-ce que je sais que je ne suis pas seul ?… La fondation France répit a créé un outil gratuit d’évaluation du risque d’épuisement pour faire un point sur sa situation en tant que proche aidant.

Vers une plus grande reconnaissance sociale

Il peut sembler dérisoire aux proches aidants de se soucier d’eux, au regard de la situation de leur proche aidé. Ou leur sembler normal de devoir de se consacrer à lui. C’est pourquoi il est parfois difficile en tant que proche aidant de reconnaître ses propres besoins.

Il peut être bon de rappeler que, dans notre société, la famille reste un pilier ; elle assume de nombreuses fonctions sociales : éducation, solidarité, socialisation… Il s’agit là de constructions sociales et non de rôles naturels. Le mot « aidant », qui met parfois les proches mal à l’aise quand ils estiment que leur engagement va de soi, permet justement une reconnaissance de ce rôle social. Une mère explique avoir perçu ce terme autrement après avoir dû, dans le cadre d’une demande administrative, faire le décompte du temps passé auprès de son enfant :

« Ça m’a choquée […]. J’avais jamais fait le décompte comme ça […]. En fait, c’est un deuxième métier, au niveau temps, c’est un deuxième travail dans la journée. »3

Le mot « aidant », en dépassant la notion de devoir parental attendu par la société, permet de s’inscrire dans un groupe et donc de rompre une certaine forme de solitude : les aidants familiaux sont plus de 9 millions en France en 2023. La reconnaissance de leur rôle s’inscrit désormais dans un cadre juridique : le répit est reconnu comme un droit. Les aidants familiaux peuvent le faire valoir pour bénéficier d’aides financières et de solutions de répit. C’est également en vertu de ce droit que sont menées des actions de sensibilisation visant une meilleure prise en compte de leur réalité (journée nationale de aidants, sensibilisation en entreprise…) et une amélioration des dispositifs (de l’offre de solutions de répit, des démarches administratives…) jugés perfectibles par nombre de proches aidants.

Pour en savoir plus sur les aides et les solutions existantes, vous pouvez vous reporter à la page Comment prendre soin de soi ?, ainsi qu’aux thématiques Concilier vie familiale, sociale et professionnelle et Loisirs et vie sociale.

Nous avons évoqué la sensibilisation menée au niveau politique ; il importe également de sensibiliser son entourage : famille, amis, collègues n’ont pas toujours conscience de ce qu’implique l’accompagnement d’un proche polyhandicapé, au quotidien et sur la durée, pour ce qui est de la charge physique et mentale, des émotions, du vécu… Si on leur explique ce qu’on ressent, les membres de l’entourage pourront peut-être mieux répondre aux besoins de soutien des proches aidants et les aider à prendre du répit.

Quels freins à prendre soin de soi ?

La difficulté qu’on éprouve parfois en tant que proche aidant à prendre soin de soi peut aussi résulter de facteurs psychologiques. La théorie de la pyramide de Maslow éclaire ce qui peut se jouer. Elle présente nos différents besoins, ceux que l’on doit satisfaire en premier pour pouvoir satisfaire les autres ; les besoins physiologiques (boire, manger, dormir), les besoins de sécurité (du corps, de la santé, de l’emploi, de la propriété, etc.), les besoins d’appartenance (amour, amitié, appartenance à des groupes, intimité, etc.), les besoins d’estime (estime personnelle, de reconnaissance de la part des autres, respect…), les besoins d’accomplissement.

Comme l’explique Julie Costantini sur la page Prendre soin de soi du site La Compagnie des aidants, quand on devient aidant, notre sentiment de sécurité est parfois mis à mal :

« Face à l’aidance nous craignons pour la santé de notre proche, pour sa vie, nous avons peur de ne pas être à la hauteur de nos responsabilités professionnelles, de perdre notre emploi […]. Nous perdons tous nos repères. Alors dans ce contexte comment s’autoriser à assouvir les besoins dits d’accomplissement comme se détendre, prendre du temps, apprécier un bon repas, sortir au théâtre, etc. »4

La culpabilité qu’on éprouve parfois à prendre soin de soi quand on est aidant peut également provenir de notre éducation :

« Le regard parental qui s’est posé sur nous a aussi conditionné notre capacité à prendre soin de nous, de disposer de bienveillance à notre égard… […] La perception de soi vient des mots, des gestes et des regards perçus dans l’enfance. […] Toutes ces croyances, plus ou moins conscientes, peuvent freiner notre envie de mieux-être, d’après Michèle Freud. L’aidance nous amène à faire rejaillir des failles de notre moi le plus profond. […] Que se cache-t-il derrière ce si courant « Je n’ai pas le temps », qui est une réalité pour les aidants mais comme pour les autres. Le plus souvent il veut dire « Je n’ai pas le droit de me faire plaisir », « Je ne le mérite pas » […]. Pour ne pas remettre en question son éducation, et risquer d’altérer l’image sacro-sainte du parent, pour ne pas ébranler les stratégies de défense qui nous ont construites, nous verrouillons les portes. […] S’il est plus facile de prendre soin de soi lorsque l’on a appris à s’accepter, à s’aimer, il est aussi vrai qu’apprendre à se prodiguer des soins peut conduire à mieux s’accepter et à mieux se traiter. »5

Prendre conscience de ces mécanismes, s’ils sont les nôtres, peut nous aider à les dépasser et à nous autoriser à prendre soin de nous. C’est primordial.

« Notre bien-être mental et physique dépend de notre capacité à nous traiter avec douceur, bienveillance, et indulgence. »6

Et pour être présent pour notre proche, pour l’aider, nous avons besoin de nous sentir bien :

« Ne dit-on pas […] que pour prendre soin des autres, il faut savoir prendre soin de soi, ou encore que « charité bien ordonnée commence par soi-même » ? »7

Supporter doit pouvoir garder son sens premier de soutien, d’accompagnement, d’encouragement de la personne accompagnée et non prendre le sens second d’être assujetti, de subir.

Prendre soin de soi recouvre différents angles : préserver sa santé physique et psychique, mener selon ses souhaits les différents aspects de sa vie, professionnelle, familiale, sociale, intime… Vous trouverez dans la page Comment prendre soin de soi ? de cette thématique une présentation des différentes solutions possibles pour s’octroyer du temps et prendre soin de soi.

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